Pour mon premier article de blog, quoi de plus logique que de vous parler de Mastodon, puisque je suis l’administrateur d’un tel serveur ?
Je détaille ici ma vision sur les concepts et la philosophie de Mastodon. J’aborderai dans un prochain article (partie 2) comment débuter avec les fonctions de base de Mastodon, et dans un article suivant (partie 3) quelques fonctionnalités avancées.
Mastodon, c’est quoi ?
Mastodon, c’est un réseau social décentralisé de micro-blogging de la fédiverse.
Oulà, stop ! Pas de termes techniques, ici le but de cet article est de s’adresser sans complexes aux utilisateurs non informaticiens. Car ces derniers (j’en fais partie) parlent toujours avec des mots compliqués, anglicisés, techniques, inaccessibles au commun des mortels. En fait ce n’est pas leur apanage, tous les experts utilisent un jargon, vous connaissez peut-être des juristes, des comptables, des architectes, des marins,…? Quand on n’est pas de la partie, pas toujours facile à suivre. La différence c’est que tout le monde aujourd’hui utilise un ordinateur et peut se croire un peu informaticien, jusqu’à ce qu’un spécialiste se délecte de lui faire perdre ses illusions en étalant à sa face son verbiage (pas toujours à bon escient, d’ailleurs).
Mais je m’égare. Parlons simplement, et répondons à la question : Mastodon, c’est quoi ?
Réponse simple : c’est comme Twitter. Ou plutôt maintenant, il faut dire “X” (pas facile de rester simple…). Ou encore, c’est un site pour publier des messages courts, où vous avez un compte, vous suivez d’autres comptes et d’autres comptes vous suivent, et chaque compte suiveur voit les publications des comptes suivis. Vous me suivez ?
Oui, mais quelle différence avec X alors ?
Là aussi, c’est simple : X appartient et est géré (comment, c’est un autre débat) par une entreprise privée, quand Mastodon n’appartient à personne et est géré par une multitude de bénévoles.
Comment est-ce possible ? Le programme informatique de Mastodon est développé collectivement et bénévolement et publié (en source ouverte) par une organisation à but non-lucratif allemande (Mastodon gGmbH), et il est installé sur un ensemble de machines informatiques (“serveurs”) par des personnes bénévoles (“administrateurs”). Ces serveurs communiquent entre eux et permettent à l’utilisateur de suivre des personnes, où que leur compte soit hébergé.
C’est fondamentalement différent du modèle de X, où il n’existe qu’un serveur centralisé (en fait, un ensemble mais ce n’est pas important ici), une seule équipe d’administrateurs, un programme informatique propriétaire qui utilise des algorithmes au service de la monétisation du produit pour l’entreprise. Car ne nous y trompons pas : quand une entreprise, dont le but est d’être rentable, met à disposition un service gratuit, c’est que le produit, c’est vous (vos données personnelles !).
Au-delà des aspects techniques, il existe une dimension idéologique dans ce schéma, qui oppose le système capitalistique des grandes entreprises du numérique (X, Meta, Google,…) à un système auto-géré à la main des citoyens. Ceci explique en partie que les utilisateurs de Mastodon, qui sont souvent issus des réseaux sociaux traditionnels qu’ils ont fui, soient généralement des personnes soucieuses de leur liberté, de leur vie privée et farouchement opposées à toute forme de discrimination ou de biais algorithmiques qui leur seraient imposés. C’est aussi une continuation de l’esprit open-source, des programmes informatiques développés collectivement et bénévolement et mis à la disposition de tous.
Mais pour moi utilisateur, ça change quoi ?
On entend souvent dire que “Mastodon, c’est plus compliqué que X”. Ce n’est pas vraiment vrai : si on commence avec les fonctions de base, c’est presque aussi simple. Évidemment, l’interface utilisateur est différente, mais c’est le cas pour chaque réseau social, il suffit de s’y habituer. Le problème vient souvent du fait que Mastodon est promu par ses développeurs ou ses administrateurs, une population par nature technique et passionnée, qui a souvent cœur à vouloir montrer les différences subtiles et les fonctionnalités avancées. Et on perd tout le monde, surtout qu’on en a pas vraiment besoin, au moins pour une utilisation courante.
Vous avez noté mes termes : pas vraiment, presque… Oui, car il existe une différence notable à laquelle le débutant est exposé dès son entrée : le choix de son serveur (ou instance, c’est pareil ici). Car comme on l’a dit, le réseau n’est pas centralisé, il faut donc choisir où l’on créera son compte.
Pour bien comprendre, la meilleure analogie est celle de la messagerie électronique : quand vous créez un compte mail, vous choisissez un fournisseur de service (gmail, hotmail, yahoo,…). Mais à partir de là, vous pouvez recevoir et envoyer des mails à n’importe qui. Ici, c’est pareil.
Est-ce à dire que le choix du serveur n’est pas important ? Oui et non.
Pas très important, car vous pourrez changer d’avis après en migrant votre compte sur un autre serveur (même s’il vaut mieux ne pas faire cela trop souvent, nous verrons dans le prochain article pourquoi). Et si vous choisissez un serveur bien interconnecté aux autres (on dit fédéré), vous pourrez interagir avec tout le monde, y compris sur les autres serveurs.
Un peu quand même, car chaque serveur a ses propres règles, notamment en matière de ce qui peut y être publié. Elles sont résumées lors de votre inscription, lisez-les bien pour voir si elles vous conviennent ! Et aussi car vous aurez une relation plus proche avec les autres membres du même serveur (même si vous n’y êtes pas obligé), donc si vous avez des centres d’intérêt particuliers et que vous trouvez un serveur spécifiquement centré dessus, vous aurez plus de chances de “rencontrer” d’autres personnes qui les partagent. Et la langue du serveur peut également être importante, les serveurs francophones étant encore peu nombreux.
Mais comment faire confiance à Mastodon ?
Bénévolat, beaucoup de serveurs et d’administrateurs… Finalement, tout cela est-il bien fiable ? Ne vaut-il pas mieux faire confiance à une grosse entreprise de professionnels ?
Je ne commenterai pas le dernier point, ceux qui ont suivi les derniers soubresauts de Twitter / X auront peut-être une opinion. Pour le premier, l’inquiétude est légitime et soyons honnêtes, tout n’est pas parfait !
Mastodon a été lancé en 2016. Il a beaucoup évolué depuis et avec les dernières mises à jour, il est à un niveau de maturité et de sécurité tout-à-fait acceptable. Si vous recherchez quelques failles de sécurité et de fuites de données notables, vous en trouverez d’ailleurs un nombre important qui concerne les grandes entreprises du numérique, y compris Twitter.
Non, le talon d’Achille n’est pas là : il est paradoxalement dans ce qui fait aussi la force de Mastodon, c’est son caractère décentralisé. Soyons clairs : tous les serveurs et tous les administrateurs ne sont pas au même niveau, que ce soit en ressources et en compétences ; sans parler de quelques éclats mémorables d’administrateurs excédés qui ont sauvagement fermé leur service. A contrario, un serveur qui ferme, ce sont des milliers d’autres disponibles pour y migrer (avec un risque de perdre ses publications et abonnés quand même, si c’est vraiment brutal). Quasiment impossible, donc, d’être banni définitivement parce que sa gueule ne revient pas au propriétaire.
Enfin, les administrateurs sont, en principe, bienveillants, font cela par passion et plaisir, et parce qu’ils partagent la même vocation de tolérance et de service pour fournir à chacun une plateforme leur permettant de s’exprimer. Une bonne base de départ sur un socle de valeurs sain, donc.
Le nombre d’utilisateurs varie au fil du temps, on peut trouver ici des chiffres mis à jour en temps réel (1,2 million d’utilisateurs actifs pour 9 000 serveurs à la date de rédaction de cet article).
Conclusion
Pour conclure ce premier article qui est déjà bien assez long, retenez :
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Si vous voulez bénéficier d’une large exposition potentielle à une base très importante d’utilisateurs, et si cela ne vous dérange pas de confier vos données personnelles à une entreprise dont l’objectif est d’en tirer profit en se réservant le droit de leur usage et de modifier unilatéralement les règles au fil du temps : restez avec X.
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Si vous préférez une audience plus focalisée et moins nombreuse, et si vous faites confiance à un administrateur de la communauté Mastodon pour gérer un serveur avec bienveillance et sans objectif de rentabilité, tentez l’aventure !
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